Mise en place d’une filière de prise en charge des suspicions de soumission chimique dans un CHRU

Décrire et discuter l’intérêt de la mise en place au CHRU de Nancy d’une filière optimisée et interdisciplinaire de prise en charge de toute suspicion de soumission chimique (SC), définie comme l’administration d’une ou de plusieurs substances psychoactives à l’insu d’une personne ou sous la menace, à des fins criminelles (viol, acte de pédophilie) ou délictuelles (violence volontaire, vol). Identification des services et acteurs clefs au sein du CHRU et des recommandations existantes. Réunions de travail en visioconférence, concertations interdisciplinaires, production et validation de procédures et de documents de référence conformes au cadre institutionnel. Service d’accueil des urgences (SAU), SAU pédiatrique, Service d’urgences en gynécologie et obstétrique (SUGO), SAMU, Centre antipoison dans le cadre de leur mission de soin, mais également CRPV et CEIP-A ont été identifiés comme « points d’entrée » possibles. Toute personne se présentant comme telle est reçue en consultation au SAU selon son âge (les mineurs au SAU pédiatrique). Indépendamment de leur sexe, les adolescents pubères et les adultes victimes d’agression sexuelle sont orientés vers le SUGO (les pré-pubères au SAU pédiatrique). La prise en charge médicale associe : 1) une anamnèse ciblée avec, le cas échéant, le recueil détaillé des habitudes de consommation de substances psychoactives et les traitements habituels ou contextuels ; 2) un examen clinique ; 3) des prélèvements conservatoires : sang et urines (pour des faits datant de moins de 48 h), urines seules après la 48e heure. Les victimes d’agression sexuelle bénéficient, en outre, d’un complément d’anamnèse, d’examen clinique et de prélèvements spécifiques. Les prélèvements sanguins et urinaires sont réalisés selon les recommandations en vigueur et transmis au laboratoire de toxicologie accompagnés d’une fiche de renseignement spécifique. Le laboratoire assure la bonne réception H24, j365 des échantillons et leur conservation à −20 °C durant 5 jours. La victime est incitée à porter plainte à l’issue de la consultation : en ce sens, elle reçoit une fiche d’information qu’elle contresigne avec le médecin qui l’a prise en charge. Le dépôt de plainte déclenche la réquisition de l’unité médicojudiciaire et des échantillons prélevés ; l’absence de dépôt de plainte à j5 conduit à la destruction des échantillons à j6. Si la décision de porter plainte intervient durant la consultation, le médecin contacte lui-même l’hôtel de Police afin d’enclencher l’organisation de l’examen sur réquisition par le médecin légiste. Une copie du dossier des urgences est adressée au CEIP-A dans tous les cas. Le médecin légiste d’astreinte est joignable H24, j365 pour aider son confrère clinicien si nécessaire. Chaque étape est accompagnée d’un protocole dans les services concernés et des séances d’information et de formation sur le sujet sensibilisent les personnels, notamment ceux des « points d’entrée ». Les possibilités concrètes de prise en charge d’une suspicion de SC restent bien souvent méconnues sinon obscures pour le professionnel de santé de terrain. Conjuguée à l’appétence très inégale des services de police pour le sujet, sans filière claire et établie, cette situation peut conduire à l’errance de la victime entre le versant « santé » et le versant « police-justice », alors même qu’elle se trouve dans un contexte psychologique défavorable et qu’il y a urgence à agir. Au-delà de cadrer le circuit du patient et des prélèvements, le point fort de la filière reste avant tout de permettre la précocité des prélèvements, sans les conditionner au dépôt de plainte préalable. Cette stratégie laisse à la victime le temps de prendre sa décision sans obérer les chances de résultats et amoindrit le risque d’échec lié aux difficultés possibles avec les services de police.