Autolyse par le chlorméquat : un nouveau cas documenté. Et après.

Objectifs Des informations relatives a l’utilisation du chlormequat en milieu agricole a visee « euthanasiante » d’animaux, et sur l’efficacite de son ingestion comme mode de suicide, circulaient deja en 2014 sur les reseaux sociaux. Une serie de 7 suicides survenus dans les Hauts de France a deja ete publiee mais sans aucune donnee analytique. Nous rapportons ici un nouveau cas documente d’un agriculteur de 47 ans qui, a la suite d’une dispute avec son ex-epouse, ingere 250 mL de Courtex C3® (concentre soluble a 460 g/L de chlormequat) et prend le volant de sa voiture. Il est retrouve inconscient dans son vehicule. La prise en charge reanimatoire initiale consiste en la mise en place d’un support adrenergique afin de maintenir une hemodynamique stable, d’un support ventilatoire dans un contexte de Syndrome de Detresse Respiratoire Aigue, d’un support renal par epuration extra-renale de type hemofiltration veino-veineuse continue, et d’une antibiotherapie sur pneumopathie d’inhalation. Le patient ne presente aucun signe de reveil et des tests antidotiques (Flumazenil et Naloxone) s’averent negatifs. Un premier electroencephalogramme a J3 objectivera un trace d’encephalopathie severe puis un second a J5, un trace quasi isoelectrique, un scanner cerebral montrant une ischemie posterieure droite avec un œdeme cerebral. Le patient decede a J8 dans un contexte de defaillance multiviscerale. Methode Dans le contexte de l’enquete judiciaire, une recherche large de xenobiotiques et un dosage specifique de chlomequat (precipitation par le methanol) par CL-SMHR sont realises dans un prelevement de sang (J4). Resultats Du chlormequat est decele dans le sang a la concentration de 0,1 mg/L. Conclusion Le chlormequat (2-chlorethyl trimethylammonium) est une substance phytopharmaceutique dotee de proprietes « regulateur de croissance ». En cas d’intoxication, son dosage n’est pas de pratique courante et seules 2 publications rapportent des donnees de concentrations obtenues par CL-SMHR : des concentrations sanguines de chlormequat de 5,105 mg/L (T0), et 0,828 mg/L (H12) ( 1  ; des concentrations post-mortem de chlormequat de 2,25 mg/L (sang), 4,45 mg/L (urines) et 1,15 g/L (bile) [2] . La concentration sanguine relevee ici est bien plus faible, mais son appreciation doit tenir compte d’une mesure realisee a J4 de l’ingestion, et d’une demi-vie d’elimination sanguine (mal documentee) estimee entre 5 et 16 heures. En France, c’est le 8eme suicide par le chlormequat (sur 11 tentatives en 6 ans) et tous situes dans les Hauts de France. Un peu plus d’une soixantaine d’expositions professionnelles sont rapportees en France sur les 20 dernieres annees dont la moitie a presente des symptomes benins et l’autre est restee asymptomatique. La clinique est toujours la meme, une crise cholinergique severe pouvant etre prise pour une intoxication par inhibiteurs de cholinesterases. Si les dosages peuvent avoir un interet pour identifier la substance en cause, ils ne permettent malheureusement pas d’ameliorer la prise en charge therapeutique, ni a en evaluer le pronostic. Il n’y a pas d’antidote et le pronostic reste severe avec un engagement du pronostic vital dans l’heure qui suit l’ingestion. Compte tenu de l’extreme toxicite aigue chez l’homme du chlormequat, et dans le but de prevenir le risque d’ingestion accidentelle ou volontaire d’une preparation phytopharmaceutique en contenant, la societe qui commercialise le chlormequat avait propose une nouvelle formulation contenant entre autres un emetisant, un amerisant et un odorant. Des experts aupres de l’Anses ont propose l’ajout d’un colorant bleu et d’un amerisant efficace (benzoate de denatorium a 50 ppm) aux preparations de chlormequat. L’emetisant et l’odorant n’ont pas ete retenus car presentant un danger pour la sante.