Incidence et motifs des arrêts prématurés de l'abacavir au cours des deux premiers mois de traitement: résultats d'une enquête hospitalière chez 628 patients

Médecine et Maladies Infectieuses(2007)

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Abstract
Résultats Six cent vingt-huit patients ont été inclus. Chaque prescription d'abacavir non renouvelée au décours des trois premiers mois de traitement a fait l'objet d'une enquête à la recherche de la cause de l'arrêt. Un arrêt prématuré pour effets indésirables a été observé chez 32 patients (5,1 %). Les arrêts prématurés se répartissaient ainsi : HSR certaine ( n = 10), HSR douteuse ( n = 8) et non-HSR ( n = 14). L'arrêt a été décidé par le médecin lors d'une consultation dans 76 % des cas. Abstract Objective The aim of this study was to determine the incidence of abacavir discontinuation within the first two months of treatment and the link with a true hypersensitivity reaction (HSR). Patients and methods A retrospective study was made between January 1998 and January 2006 on a cohort of HIV positive patients treated by abacavir delivered by the Bordeaux Saint-André University Hospital pharmacy. Results Six hundred (and) twenty-eight patients were included. The reasons for non-renewal of abacavir prescription within the first three months of treatment were investigated. Early discontinuation for adverse effects was reported in 32 patients (5.1%): proved diagnosis of HSR ( N = 10), uncertain diagnosis of HSR ( N = 8), and no HSR ( N = 14). The decision for discontinuation was taken by physician after consultation in 76% of cases. Mots clés Abacavir Hypersensibilité VIH Keywords Abacavir HIV Hypersensitivity 1 Introduction L'abacavir est un inhibiteur nucléosidique de la transcriptase inverse (INTI). Il se différencie des autres INTI par une moindre toxicité mitochondriale, une bonne tolérance clinique et biologique, mais aussi par le risque de survenue d'une réaction d'hypersensibilité (HSR). L'HSR à l'abacavir est rapportée dans la littérature comme survenant dans environ 5 % des cas, majoritairement dans les six premières semaines de traitement et son diagnostic justifié entraîne l'arrêt définitif de la molécule [1,2] . Elle est caractérisée par la survenue d'au moins deux signes parmi les plus fréquents, fièvre, éruption cutanée, troubles digestifs, signes respiratoires, léthargie et malaise [3,4] . Les symptômes de l'HSR s'aggravent avec le temps si le traitement est poursuivi, pouvant menacer le pronostic vital. Au contraire, leur disparition est rapide à l'arrêt de la prise d'abacavir. Les objectifs de cette étude sont de déterminer l'incidence des arrêts prématurés d'abacavir dans les deux mois suivants son instauration et d'analyser si ceux-ci sont toujours formellement rapportés à une HSR comme définie précédemment. 2 Patients et méthodes Il s'agit d'une étude rétrospective concernant 628 patients ayant débuté un traitement par abacavir entre janvier 1998 et janvier 2006 à l'hôpital Saint-André (CHU de Bordeaux). La cohorte est issue du système de délivrance et de traçabilité des antirétroviraux rétrocédés au service de pharmacie de ce même hôpital. Chaque prescription d'abacavir non renouvelée au décours des trois premiers mois de traitement a fait l'objet d'une enquête avec analyse du dossier médical du patient à la recherche de la cause de l'arrêt (perdu de vue, échec virologique, effet indésirable). Après évaluation rétrospective, les arrêts prématurés d'abacavir pour cause d'effets indésirables ont été classés en trois catégories : HSR certaine, HSR douteuse et non-HSR. Nous avons considéré l'HSR comme certaine lorsqu'on observait la présence d'au moins deux signes parmi ceux précédemment cités en cohérence avec le délai d'apparition des symptômes, leur aggravation avec le temps et/ou leur résolution rapide à l'arrêt de la prise d'abacavir. Nous avons considéré l'HSR comme douteuse dans les cas où un symptôme ou deux parmi les plus fréquents avaient été observés mais une évolution caractéristique dans le temps n'avait pu être mise en évidence. Par défaut, les non-HSR étaient des cas où un seul symptôme parmi les plus fréquents était observé et/ou son évolution n'était pas compatible avec une HSR. 3 Résultats Nous avons retrouvé un arrêt prématuré d'abacavir chez 32 des 628 patients (5,1 %). La majorité de ces 32 patients connaissaient leur séropositivité depuis plusieurs années (médiane : huit ans). Il s'agissait de 13 femmes et 19 hommes avec un âge moyen de 45 ans (extrêmes : 28–72 ans). À l'instauration de l'abacavir, le taux médian de lymphocytes CD4 était de 299/mm 3 (étendue : 67–963/mm 3 ) et la charge virale (CV) médiane de 7435 copies d'ARN/ml (étendue : 50–90 953 copies d'ARN/ml). Trente et un patients avaient déjà reçu un traitement antirétroviral (ARV) à l'instauration de l'abacavir. Aucun patient n'avait reçu d'abacavir antérieurement. Chez les 31 patients prétraités, l'abacavir était introduit pour les raisons suivantes : échec du traitement antérieur ( n = 22), intolérance au traitement précédent ( n = 7) et simplification du traitement ( n = 2). 3.1 Incidence des arrêts prématurés d'abacavir et leur cause Les 32 cas d'arrêts prématurés de l'abacavir étaient dus à la survenue d'effets indésirables. Après évaluation rétrospective, ces arrêts se répartissaient de la façon suivante : dix patients (31,2 %) présentaient une HSR certaine, pour huit patients (25 %) l'arrêt correspondait à une HSR douteuse et pour 14 patients (43,8 %), il ne s'agissait pas d'une HSR. Nous avons ainsi obtenu une incidence des arrêts d'abacavir pour apparition d'effets indésirables de 5,1 % (32/628) mais une incidence d'HSR certaine de 1,6 %. La décision de l'arrêt a été prise par le médecin lors d'une consultation au moment de l'intolérance dans 76 % des cas, lors d'un contact téléphonique dans 14 % des cas et 10 % des décisions ont été entérinées a posteriori, après arrêt par le patient lui-même. 3.2 Caractéristiques des arrêts ( Fig. 1 ) Les dix cas d'HSR certaine présentaient en moyenne trois symptômes ( Tableau 1 ) et parmi les plus fréquemment observés, la fièvre était présente dans huit cas, la léthargie ou malaise dans six cas et l'éruption cutanée dans cinq cas. Dans la série des HSR certaines, la fièvre et/ou l'éruption cutanée étaient toujours présentes. Les troubles gastro-intestinaux comme les symptômes classés « autres » (essentiellement céphalées et fatigue) étaient souvent associés aux symptômes plus spécifiques de l'HSR. Pour ces HSR certaines, le délai médian d'apparition des symptômes était de 8,5 jours après l'introduction de l'abacavir (étendue : 1–17 jours). Dans 70 % des HSR certaines, la disparition des symptômes a été rapide, soit dans les 24 à 48 heures suivant l'arrêt de l'abacavir. Dans la série des huit HSR douteuses, les cas présentaient en moyenne 1,9 symptôme dont une éruption cutanée dans trois cas et de la fièvre dans deux cas seulement. Le délai médian d'apparition des symptômes pour les cas d'HSR douteuses était de 11,5 jours (étendue : 3–55 jours). Enfin, pour les non-HSR, l'éruption cutanée a été observée dans trois cas et la fièvre dans un seul cas. Dans cette série, les patients présentaient un symptôme parmi les plus fréquents cités précédemment et huit d'entre eux avaient un symptôme associé qualifié « autres ». Le délai médian d'apparition des symptômes pour les non-HSR était de 30 jours (étendue : 7–66 jours). La comparaison des cas d'HSR certaine, douteuse et non-HSR n'a pas montré de différence significative pour les paramètres immunovirologiques ou pour la surface corporelle. Les autres traitements ARV associés à l'abacavir n'étaient pas différents pour les cas d'HSR certaine, douteuse ou non-HSR. Les trois traitements ARV associés à l'abacavir les plus fréquents étaient la lamivudine (3TC), l'association zidovudine (AZT)–lamivudine (3TC) et l'éfavirenz. Ils étaient retrouvés de façon non significativement différente dans les trois catégories d'HSR. 4 Discussion Cette étude montre une incidence des réactions d'hypersensibilité suspectées comparable à celles déjà rapportées de 5,1 %. Sur les 32 cas d'HSR suspectées, on n'a cependant pu affirmer une véritable hypersensibilité que pour dix patients et l'incidence des HSR certaines n'est donc que de 1,6 %. Il semble ainsi exister un arrêt prématuré non justifié de l'abacavir dans environ 3 % des cas et cela peut être dommageable dans la mesure où le patient est définitivement « privé » d'une molécule antirétrovirale potentiellement active. Afin d'améliorer l'établissement du diagnostic précis, respectant les définitions de l'HSR, il apparaît nécessaire de recommander de tout mettre en œuvre pour rencontrer le patient suspect d'HSR le plus tôt possible afin de ne pas prendre de décision au décours d'entretien téléphonique. Il est également important de recommander aux patients, sauf exception, de prendre contact avec le praticien qui le suit en cas d'apparition de symptômes suspects afin d'éviter des arrêts prématurés injustifiés par le patient lui-même, et sur lesquels il est bien difficile de revenir. Plusieurs études se sont intéressées au support génétique de la réaction d'hypersensibilité à l'abacavir. Des études rétrospectives ont démontré qu'il existe un lien entre la présence de l'haplotype HLA-B*5701 et le risque de développer une HSR à l'abacavir chez les sujets caucasiens [5,6] . Depuis que cette susceptibilité génétique est connue, certains auteurs ont défendu l'intérêt d'un screening génétique par l'analyse du HLA-B*5701 dans la prévention des HSR à l'abacavir [7,8] . L'utilité du dépistage génétique du HLA-B*5701 avant la mise en place de l'abacavir est actuellement étudiée par une étude clinique prospective internationale qui évaluera le lien entre l'apparition d'une HSR et la présence de l'allèle (Predict-1). Si celle-ci est confirmée, le dépistage génétique devrait permettre de diminuer la morbidité due aux véritables HSR et de diminuer également le nombre d'arrêts prématurés d'abacavir inappropriés [9] . 5 Conclusion Ce travail a permis d'identifier les dix patients ayant fait une HSR certaine à l'abacavir et de sensibiliser notre communauté médicale aux arrêts prématurés injustifiés de la molécule. L'étude a montré que parmi la cohorte de patients de l'hôpital Saint-André, les vraies HSR n'étaient pas la cause majoritaire des arrêts précoces du traitement par abacavir. Bien souvent, l'arrêt définitif de l'abacavir était effectué dès la suspicion d'HSR, même peu étayée. Au décours de la période actuelle où l'éducation des praticiens et des patients devrait permettre de diminuer l'incidence des arrêts pour HSR non formelles, le screening génétique s'il s'avère positif en termes d'efficacité et de coût deviendrait un outil intéressant pour les praticiens. Références [1] S. Hetherington S. McGuirk G. Powell A. Cutrell O. Naderer B. Spreen Hypersensitivity reactions during therapy with the nucleoside reverse transcriptase inhibitor abacavir Clin. Ther. 23 2001 1603 1614 [2] P.G. Clay The abacavir hypersensitivity reaction: a review Clin. Ther. 24 2002 1502 1514 [3] C. Chirouze L. Hustache-Mathieu C. Rougeot C. Drobacheff H. Gil J.P. 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Clin. Infect. Dis. 43 2006 103 105 [9] A. Rauch D. Nolan A. Martin E. McKinnon C. Almeida S. Mallal Prospective genetic screening decreases the incidence of abacavir hypersensitivity reactions in the Western Australian HIV cohort study Clin. Infect. Dis. 43 2006 99 102
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