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Dépistage et prévention des comorbidités chez les patients infectés par le VIH: le programme Orchestra Saint-Antoine

Médecine et Maladies Infectieuses(2007)

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Abstract
Méthodologie À partir de décembre 2004, le programme a été appliqué sur la file active du service en intervenant sur les thèmes suivants : facteurs de risque cardiovasculaires, suivi gynécologique, couverture vaccinale VHB, sexualité et prévention des IST, observance thérapeutique, conseils aux voyageurs. Il comportait la diffusion d'informations-patients, l'adaptation d'un logiciel de consultation et une offre d'orientations spécialisées. Résultats Le programme a été appliqué à 1959 patients dont les caractéristiques initiales étaient : âge moyen : 43 ± 10 ans ; ratio H/F : 1466/493 ; origine européenne : 69 % ; subsaharienne : 19 % ; durée moyenne de séropositivité : 9,3 ± 6 ans ; naïfs d'antirétroviraux : 14 % ; lymphocytes CD4+ moyens : 494 ± 277/mm 3 ; charge virale VIH plasmatique inférieure à 50 cp/ml : 62 %. Parmi les 1347 patients pour lesquels tous les facteurs de risque cardiovasculaires étaient renseignés, 42 % en présentaient deux ou plus. En particulier, 31 % étaient fumeurs, 7 % avaient une HTA supérieure à 140/90 mmHg et 11 % avaient un taux de LDL-cholestérol supérieur à 4,1 mmol/l. Parmi les 1448 patients traités, 70 % étaient initialement considérés observants. La moitié des femmes concernées n'avait ni frottis cervical ni mammographie récente. Parmi les 1302 patients dont la sérologie du virus de l'hépatite B (VHB) complète était renseignée, 27 % étaient séronégatifs dont 86 % éligibles pour la vaccination. La problématique des difficultés sexuelles ou de prévention a été initialement abordée chez 11 % des patients. Parmi eux, 14 % présentaient un problème de prévention et 66 % reconnaissaient des difficultés sexuelles. Conclusion La mise en place du programme Orchestra Saint-Antoine a pour but d'optimiser la qualité du suivi global des patients et d'améliorer les pratiques professionnelles vis-à-vis de la prévention et du dépistage des comorbidités liées au VIH. Abstract Objectives The Saint-Antoine Orchestra Program aims at improving the clinical management of HIV-infected patients through access to care, prevention and early diagnosis of comorbidities. Methods The program was initiated in December 2004 on the whole database. The following topics were concerned: cardiovascular risk factors, gynecological follow-up, anti-HBV vaccinal coverage, sexuality and prevention of STIs, therapeutic adherence and counsels to travelers. The program included several actions: diffusion of information to patients, development of a computerized chart (alert pop-ups), individualized prescription advice and recommendations for specialist referral. Results The program was applied to 1959 patients whose initial characteristics were: mean age: 43 ± 10 years; ratio M/W: 1466/493; European origin: 69% ; sub-Saharan: 19%; mean duration of HIV infection: 9.3 ± 6 years; naïve of antiretrovirals: 14%; mean CD4+count: 494 ± 277/mm 3 ; HIV viral load inferior to 50 cp/ml: 62%. Among 1347 patients for whom cardiovascular risk factors were completely informed, 42% had two or more factors. In particular, 31% of them were smokers, 7% had an arterial pressure superior to 140/90 mmHg and 11% had LDL-cholesterolemia superior to 4.1 mmol/l. Among 1448 untreated patients, 70% were initially considered as adherent. Half of the concerned women had neither cervical smear nor mammography up to date. Among 67% patients with an informed complete HBV serology, 27% were seronegative among which 310 (86%) were eligible for the vaccine. Problems of sexual difficulties or prevention were initially discussed for 11% of patients. Among them, 14% had a problem of prevention and 148 (66%) recognized sexual difficulties. Conclusion The initiation of the Saint-Antoine Orchestra program has provided a unique opportunity to assess and improve the prevention and management of comorbidities in HIV patients. Also, this program aimed to improve professional practices. Mots clés Comorbidités VIH Observance Évaluation des pratiques professionnelles Keywords HIV Adherence Evaluation of the professional practices 1 Introduction Rapidement après le début de l'épidémie VIH/sida, il devenait évident que l'approche clinique de cette pathologie se devait d'être multidisciplinaire. Bien que le pronostic vital se soit considérablement amélioré après le début des multithérapies antirétrovirales, de nouvelles problématiques ont progressivement émergé. Au-delà des aspects médicaux, les dimensions psychiques, sociales et sociétales de l'infection VIH ne pouvaient, elles aussi, être négligées. Les nouvelles problématiques identifiées concernaient : ● un sur-risque cardiovasculaire lié à la conjugaison de divers facteurs de risque, parmi lesquels le tabagisme et les troubles métaboliques [1–3] ; ● la nécessité d'un accompagnement régulier à l'observance sur le long terme dans le but de prévenir l'apparition de résistance aux antirétroviraux [4] ; ● un défaut d'application des recommandations en matière de dépistage des cancers gynécologiques chez des patientes séropositives dont le nombre ne cesse de s'accroître [5] ; ● un relâchement des pratiques de prévention de la transmission des infections sexuellement transmissibles (IST), révélé par une recrudescence des cas de syphilis et de gonococcie [6] , alors que les plaintes fonctionnelles sexuelles — souvent associées — restaient sans réponse [7] ; ● enfin, une couverture vaccinale insuffisante vis-à-vis du virus de l'hépatite B (VHB) [8] . Face à ces constats, la communauté des soignants s'est accordée sur la nécessité de réorganiser l'offre de soins, d'adapter les structures hospitalières, c'est-à-dire de proposer une prise en charge globale. Le projet « Orchestra Saint-Antoine » a pris en compte les spécificités de la « chronicisation » de l'infection VIH et a ainsi proposé un programme de prise en charge globale des patients séropositifs, qui s'est mis en place à partir de décembre 2004. 2 Objectifs du programme Orchestra Saint-Antoine comporte des actions à destination des patients et d'autres dirigées vers les professionnels de santé. Ces actions mises en œuvre simultanément ont toutes pour objectifs : ● améliorer l'information des patients ; ● faciliter l'accès aux soins des patients ; ● harmoniser les pratiques de prévention et de dépistage en intégrant les référentiels existants et en développant de nouveaux outils adaptés. Ce programme de prévention, de dépistage et de prise en charge des comorbidités prend en compte les nouvelles problématiques de l'infection par le VIH. Il vise à intégrer de façon systématique dans cette prise en charge les axes suivants : ● les facteurs de risque cardiovasculaires ; ● l ' accompagnement thérapeutique ; ● le suivi gynécologique des femmes ; ● les plaintes fonctionnelles dans le domaine de la sexualité ; ● la prévention de la transmission du VIH et des autres IST ; ● la couverture vaccinale vis-à-vis du VHB ; ● les conseils aux voyageurs séropositifs se rendant dans les pays du sud. Certains de ces axes tels que l'aide à l'observance thérapeutique, le soutien psychologique ou la consultation de conseils aux voyageurs préexistaient de longue date au sein du service, mais ont été optimisés lors de leur intégration dans ce programme. De la même façon, diverses recommandations validées existaient déjà, mais leur faible niveau d'utilisation incitait à faciliter leur usage pour mieux rationaliser la pratique médicale. 3 Méthodologie 3.1 Évaluation de la connaissance des patients sur l'offre de soins du service Préalablement à l'implantation du programme, un questionnaire a été distribué à un échantillon de 150 patients suivis dans le service afin d'évaluer leur niveau de connaissances vis-à-vis, d'une part, de leur état de santé et des risques de comorbidités et, d'autre part, de l'offre de soins et de son accès dans le service. 3.2 Outils de communication La première étape du programme Orchestra Saint-Antoine a été la réalisation d'outils de communication à destination des patients : livret d'accueil et affiches présentant l'offre de soins du service et ses modalités pratiques. Ces outils ont été créés à partir de groupes de travail réunissant les différents membres de l'équipe multidisciplinaire. L'implication de l'équipe soignante, mobilisée autour de ce projet, a été décisive pour une large diffusion de l'information auprès des patients. 3.3 Optimisation du dossier médical partagé (DMP) Ce DMP informatisé préexistait au projet depuis 2001, ce qui garantissait son usage familier auprès de l'équipe soignante. Son caractère adaptatif a permis la création d'un module spécifique construit selon différents axes : ● une prévention cardiovasculaire ciblée, agissant sur des facteurs de risque actualisés [9] : homme de plus de 50 ans, femme ménopausée ou de plus de 60 ans, antécédents familiaux cardiovasculaires, hypertension artérielle (PA supérieure à 140/90 mmHg) [même traitée], diabète (même traité), HDL-cholestérol inférieur à 1 mmol/l, LDL-cholestérol supérieur à 4,1 mmol/l, fumeur actif ou arrêt inférieur à trois ans. Ces facteurs de risque étaient révélés au moyen d'alertes dans le système informatisé. Selon les recommandations en vigueur, des régimes alimentaires, des bilans d'investigations ou la prescription de traitements étaient proposés. Une orientation vers le service de cardiologie était proposée automatiquement lorsque le nombre de facteurs de risque était supérieur ou égal à trois (puis, le suivi était relayé par le cardiologue) ; ● un dépistage de la « malobservance » était réalisé tous les six mois par des questions spécifiques : « oubli dans les quatre jours ? », « oubli le week-end précédent ? », « est-ce que le traitement vous pose problème ? », « savez-vous comment prendre votre traitement ? ». Les réponses à ces questions permettaient de calculer un score d'observance et de proposer éventuellement une orientation vers la consultation d'observance et vers des groupes de paroles ; ● un dépistage des dysplasies du col (par frottis cervicovaginal) et du cancer du sein (par mammographie), en collaboration avec des intervenants hospitaliers et libéraux, a été mis en place à l'aide d'alertes informatiques selon les recommandations en vigueur dans cette population [10] : frottis annuel en l'absence de lésion cervicale et/ou si le taux de CD4+ est supérieur à 200/mm 3 ; et frottis biannuel en cas de frottis antérieur anormal et/ou si le taux de CD4+ est inférieur à 200/mm 3 . La mammographie est réalisée dès 45 ans, tous les ans en cas d'antécédent familial de cancer du sein, sinon tous les deux ans ; ● une approche intégrée des difficultés sexuelles et de la prévention de la transmission des IST, en partenariat avec Comment Dire (organisme de formation et de conseil en communication sociale spécialisé dans le counseling ) et la Direction générale de la santé, a été mise en place. Le système informatique proposait au médecin consultant d'aborder le sujet au moyen de deux questions à la périodicité annuelle (ou en cas de survenue d'une infection vénérienne) : « avez-vous des difficultés de prévention ? », « êtes-vous satisfait de votre vie sexuelle ? ». Selon les réponses aux questions relatives à cette problématique, une orientation était proposée vers une consultation « sexualité et prévention », des ateliers d'éducation et des groupes de paroles ; ● une vaccination contre le VHB était systématiquement proposée par le système informatique si les trois marqueurs antigène HBs, anticorps antiHBc et anticorps antiHBs étaient négatifs pour un taux de lymphocytes CD4+ supérieur à 200/mm 3 . 3.4 Conception pratique Le système d'information utilisé par le service des maladies infectieuses et tropicales de l'hôpital Saint-Antoine se nomme DIAMM-G, développé sur 4D par Micro-6. Il est adaptatif en fonction des nouveaux besoins des utilisateurs. Des aménagements successifs ont été créés, rendant ainsi possible, selon les données saisies, l'émission d'alertes, la présentation de recommandations, l'édition de notes d'information pour les patients, l'édition d'ordonnances de bilan-type et l'orientation vers des consultations spécialisées (observance, tabacologie, cardiologie, sexualité et prévention…). Pour atteindre ces objectifs, des algorithmes ont préalablement été élaborés. Ces arbres de décision comportaient des cycles avec des périodicités différentes selon les axes d'intervention. Un contrôle lors de la consultation suivante était systématiquement prévu afin de vérifier si les examens ou bilans prescrits avaient été réalisés. Après leur mise au point, ces algorithmes ont été programmés et testés dans le système informatique. Des modifications ont pu être apportées au cours du temps, en fonction des remarques faites par les premiers utilisateurs ( Fig. 1 ). 3.5 Évaluation Une évaluation préliminaire à partir d'indicateurs clés a été réalisée à la mise en place du programme. Elle reposait sur les données de la première consultation de chaque patient entrant dans le programme entre le 1 er décembre 2004 et le 1 er décembre 2005. Cette évaluation a permis d'obtenir une description initiale de la file active du service, portant en particulier sur : le nombre de données non renseignées, le nombre d'examens de dépistage réalisés et de résultats anormaux, la prévalence de certaines comorbidités associées au VIH, le nombre d'orientations vers des consultations spécialisées. Ces résultats sont présentés ci-dessous. L'évolution des pratiques dans le suivi des patients — en accord avec les recommandations validées — ainsi que leur retentissement clinique, suite à la mise en place du programme Orchestra Saint-Antoine, seront analysés après deux ans d'application du projet, par la mesure du taux de renseignement des variables, la quantification des interventions ciblées et l'évolution d'indicateurs clés. 4 Résultats 4.1 Caractéristiques générales des patients L'analyse initiale portait sur 1959 patients, tous inclus dans le programme Orchestra Saint-Antoine, dont la durée moyenne de séropositivité VIH était voisine de neuf ans, d'âge moyen 43 ans, parmi lesquels 75 % d'hommes et 69 % originaires d'Europe. Leurs caractéristiques sont résumées dans le Tableau 1 . 4.2 Facteurs de risque cardiovasculaires À l'initiation du programme, l'analyse complète des facteurs de risque a concerné 1347 sur 1947 (69 %) patients de la file active. Leurs caractéristiques sont résumées dans le Tableau 2 . Plus de 40 % de ces patients présentaient au moins deux facteurs de risque cardiovasculaires. Parmi les 169 (13 %) patients qui présentaient au moins trois facteurs de risque, un bilan cardiovasculaire a été prescrit d'emblée chez 34 (20 %) d'entre eux. Le Tableau 3 décrit les facteurs de risque identifiés chez les patients de la file active ( n = 1947) en fonction du taux de renseignement initial de la variable. Pour les variables glycémie, pression artérielle, triglycérides et tabac, le taux de renseignement initial était supérieur à 80 %. Plus de la moitié des patients étaient fumeurs actifs ou sevrés. Plus d'un tiers des fumeurs actifs avaient une consommation de tabac supérieure à 20 paquets-années. 4.3 Observance thérapeutique Initialement, 1448 (74 %) patients étaient sous traitement antirétroviral. Les quatre questions relatives à l'observance thérapeutique étaient systématiquement posées par le logiciel tous les six mois pour les patients sous traitement antirétroviral. Les réponses à ces questions, à l'initiation du programme, sont résumées dans le Tableau 4 . Les patients qui répondaient favorablement aux quatre questions étaient considérés normalement observants, soit 1015 (70 %) patients à l'initiation du programme. Une orientation vers une consultation d'observance était systématiquement proposée à chaque patient qui donnait au moins une réponse suggérant une malobservance, soit 433 (30 %) patients. Parmi eux, seuls 25 (6 %) ont effectivement bénéficié d'emblée de cette consultation. 4.4 Données de gynécologie L'axe d'intervention gynécologie a permis d'évaluer le statut initial des femmes vis-à-vis de leur frottis cervical et de leur mammographie. Une périodicité différente des examens était ensuite proposée selon le taux de CD4+ et les antécédents personnels de dysplasie du col et familiaux de cancer du sein. Le Tableau 5 indique qu'à leur consultation initiale, près de la moitié des patientes n'étaient pas à jour vis-à-vis de leurs examens gynécologiques. Parmi les 219 patientes dont le frottis renseigné n'était pas à jour et pour lesquelles la prescription du frottis a été abordée, 182 (83 %) ont eu une prescription effective. Parmi les 314 femmes dont le résultat de frottis était disponible à la première consultation, 232 (74 %) avaient un frottis normal, 22 (7 %) un frottis anormal et 60 (19 %) un frottis indéterminé. 4.5 Sexualité et prévention Les difficultés sexuelles et de prévention que pouvaient ressentir les patients ont été abordées à l'appréciation du médecin consultant au moyen de questions dont la périodicité théorique était annuelle. À l'initiation du programme, cette problématique a été évoquée chez 224 sur 1959 (11 %) patients. Parmi ces patients, 31 (14 %) présentaient un problème de prévention et 148 (66 %) reconnaissaient des difficultés sexuelles. Pour tous ces patients, une orientation vers une consultation « sexualité et prévention » a été systématiquement proposée. 4.6 Hépatite B Initialement, un statut sérologique complet vis-à-vis du VHB, comprenant les trois marqueurs Ag HBs, Ac antiHBc et Ac AntiHBs était renseigné chez 67 % des patients ( Tableau 6 ). Une hépatite chronique à virus B était retrouvée chez 98 (7,5 %) patients. Seuls les patients dont les trois marqueurs B étaient négatifs ( n = 360) étaient considérés éligibles pour la vaccination anti-VHB. Parmi ces patients, 310 (86 %) ont eu une proposition de vaccin anti-VHB et 73 (23 %) d'entre eux ont eu prescription effective du vaccin dès la première consultation. 5 Discussion Le projet « Orchestra Saint-Antoine » est un programme de prise en charge globale des patients infectés par le VIH qui prend en compte les problématiques apparues ou confirmées par la chronicisation de la maladie sous l'effet des traitements antirétroviraux actifs. L'objectif de ce programme était de faciliter une prise en charge cohérente et harmonieuse des patients dans un contexte hospitalier riche de sa diversité, mais parfois limité par son hétérogénéité. La vocation de ce programme était aussi d'optimiser les pratiques médicales à l'intention des médecins dans un contexte d'évaluation des pratiques professionnelles [11] . L'implantation de ce programme dans le service des maladies infectieuses et tropicales de l'hôpital Saint-Antoine a nécessité une mobilisation active de l'ensemble des soignants qui ont su adhérer au projet. Ce programme a nécessité un travail préalable d'information des patients mais aussi des soignants afin de sensibiliser l'ensemble des acteurs à une réorganisation cohérente de l'offre de soins. Cette information a comporté l'édition d'un livret d'accueil systématiquement remis à chaque patient, la diffusion d'affiches facilement identifiables, la remise aux médecins du service d'un « guide médecin » résumant l'ensemble des actions entreprises en accord avec les recommandations validées de bonne pratique. Le dossier médical partagé (DMP) informatisé a été un élément structurant fort du projet, dont l'adaptation progressive a largement facilité l'exécution du programme. Au sein de ce logiciel, le module « Orchestra » s'ouvrait de façon systématique à chaque consultation, proposant des actions selon une périodicité programmée. L'émission d'alertes attirait l'attention du médecin sur des données manquantes, la nécessité de proposer un examen spécialisé selon la date de visite ou la valeur anormale d'un indicateur. Le logiciel offrait la possibilité d'éditer des fiches d'informations destinées aux patients selon les comorbidités dépistées. Sa modularité permettait de tenir compte des besoins au cours du temps. Le programme Orchestra Saint-Antoine visait principalement à prévenir ou dépister les comorbidités liées au VIH selon plusieurs axes : gestion des facteurs de risque cardiovasculaires, accompagnement thérapeutique et prévention des résistances aux antirétroviraux, prise en compte des difficultés sexuelles et/ou de prévention vis-à-vis des IST, dépistage de pathologies cervicales et de néoplasie mammaire chez les femmes, couverture vaccinale vis-à-vis du VHB et conseils aux voyageurs séropositifs. Les données présentées ici sont issues de l'analyse initiale à la mise en place du programme dans le service de maladies infectieuses de l'hôpital Saint-Antoine. Elles constituent un état des lieux global de la file active, décrivant en particulier, les aspects relatifs à la prévention et au dépistage des comorbidités associées au VIH. Le taux de renseignement variable des indicateurs limite la pertinence des informations, lesquelles devraient s'améliorer au cours du temps en raison d'une incitation du système à l'exhaustivité des données. Ces résultats initiaux font apparaître une ancienneté moyenne de l'infection VIH voisine de neuf ans chez des patients majoritairement traités (85 %) dont la réponse immunovirologique est généralement significative. Ceci confirme la chronicisation de l'infection VIH sous l'effet des traitements antirétroviraux efficaces avec pour conséquence, une exposition potentielle aux comorbidités. Le cumul des facteurs de risque cardiovasculaires dans cette population « vieillissante » (plus de 40 % des patients avec au moins deux facteurs) fait craindre à l'avenir une augmentation d'incidence d'événements cardiaques, en particulier coronariens [1–3] . Le recueil méthodique des données cardiovasculaires, l'incitation à la réalisation de bilans cardiovasculaires et l'intervention sur les facteurs de risque (en particulier troubles métaboliques et tabagisme) visent à prévenir ces complications. La nécessité d'un accompagnement thérapeutique au long cours se justifie par le risque d'émergence de résistances aux antirétroviraux en cas d'inobservance au traitement [4] . Cette préoccupation récurrente, inscrite dans le programme, a pour but d'aider le patient et à faciliter son accès à une consultation d'éducation thérapeutique dont le niveau d'activité est sujet à fluctuations. Le programme vise également à corriger la sous-application des recommandations en matière de dépistage des cancers gynécologiques (par frottis cervical et mammographie) chez des femmes séropositives, dont beaucoup sont peu sensibilisées à cette problématique pour des raisons culturelles ou de précarité socioéconomique [5] . Les plaintes fonctionnelles d'ordre sexuel, souvent négligées, représentent une nouvelle priorité dès lors qu'elles retentissent sur la qualité de vie [7] . Le programme facilite leur verbalisation et propose une orientation vers une consultation spécialisée. La recrudescence des IST chez les patients séropositifs, en particulier chez les sujets homosexuels, attestée par différentes enquêtes [6] , témoigne d'un relâchement dans les pratiques de prévention. En évoquant cette problématique, le programme ambitionne une réduction des risques par une aide personnalisée. Enfin, l'incitation à renseigner le statut sérologique VHB des patients séropositifs et à proposer systématiquement une vaccination anti-VHB pour ceux dont tous les marqueurs sont négatifs vise à améliorer une couverture vaccinale insuffisante dans cette population [8] . La comparaison avec des données chiffrées issues de la population générale française donne une idée des particularités d'une file active de patients VIH. Dans la population générale, la prévalence du diabète est de 3,2 % [12] , comparable à celle observée dans notre série (3,5 %). En revanche, le tabagisme semble plus important chez les patients séropositifs avec près de la moitié des patients fumeurs actifs ou récemment sevrés contre 30 % de fumeurs actifs dans la population générale [13] . Concernant le suivi du cancer du col de l'utérus, 40 % des femmes [14] ne disposent pas d'un frottis de dépistage à jour contre 50 % dans notre file active. Dans le baromètre santé 2005, la mammographie date de moins de deux ans dans 37 % des cas sur l'ensemble des femmes interrogées [15] . Le caractère récent de la mammographie augmente avec l'âge jusqu'à 59 ans et diminue à partir de 60 ans, dans une proportion comparable à notre série [15] . Enfin, la prévalence de l'hépatite chronique B (Ag HBs positif) est de 0,65 % dans la population générale [16] contre 8 % dans notre file active de patients VIH. Ces données comparatives démontrent l'importance d'un programme de prévention et de dépistage des comorbidités, d'autant plus essentiel pour les patients séropositifs, que des différences significatives avec la population générale peuvent être observées selon les thèmes abordés. Le programme Orchestra Saint-Antoine, né d'une volonté propre au service, se veut en phase avec les priorités de santé publique concernant l'épidémie à VIH. Il décline les recommandations nationales de prise en charge des patients séropositifs [10] . Il représente un exemple unique d'approche globale et systématique de la prévention et de la gestion des comorbidités dans cette population. Il offre l'avantage de soins diversifiés regroupés dans un lieu unique. L'outil informatique permet d'adapter, par son caractère modulable, les besoins médicaux, de vérifier la qualité de la saisie et d'extraire les données pour une évaluation régulière tant au niveau des procédures que sur l'état de santé des malades. En facilitant l'harmonisation des soins, le programme constitue un support valable pour l'évaluation attendue des pratiques professionnelles [11] . Il s'agit d'une démarche expérimentale innovante qui pourra être exportée vers d'autres centres. Le programme Orchestra Toulouse [17] avait proposé une première approche de prise en charge globale des patients séropositifs pour le VIH avec certains objectifs communs à Orchestra Saint-Antoine (harmonisation des pratiques professionnelles, accueil et information des patients). Ce programme avait eu un impact majeur sur la satisfaction des patients. Une analyse médicoéconomique avait également montré des résultats bénéfiques en termes de consommation de soins des patients, avec une baisse de l'ordre de 4 % [18] . Orchestra Saint-Antoine a ajouté à la démarche Orchestra Toulouse une optimisation novatrice du système informatique. D'autres exemples de systèmes informatiques de suivi des patients ont déjà été proposés dans le but d'améliorer les pratiques médicales, d'approcher au mieux la réalité de la prise en charge ou de tenir les objectifs institutionnels [19–21] . À la différence du programme Orchestra Saint-Antoine qui vise une approche globale, l'optimisation de ces systèmes informatiques se limitait souvent à une action monothématique (tuberculose [20] , thrombophlébite [21] ). Le dossier médical informatisé Nadis [19] , présent sur plusieurs sites, a également été développé pour le suivi de patients séropositifs pour le VIH. Il permet surtout une exploitation clinique et épidémiologique des données saisies. Comme pour le programme Orchestra, la validité et le bénéfice médical de tous ces systèmes sont conditionnés par l'implication des praticiens dans la conception et l'utilisation familière de l'outil informatique. 6 Conclusion Le programme Orchestra Saint-Antoine a permis d'organiser une prise en charge globale personnalisée des problématiques révélées par l'évolution de l'épidémie à VIH. L'implantation de ce programme a requis une mobilisation de l'ensemble de l'équipe soignante. L'état des lieux réalisé à l'initiation du programme indique le chemin à parcourir pour optimiser la prévention, le dépistage et la prise en charge des comorbidités chez ces patients. Les supports utilisés (livret de présentation, recommandations existantes, nouveaux outils et système informatisé délivrant des alertes) ont été des éléments clés pour l'harmonisation des pratiques professionnelles et la qualité des soins. Une évaluation future permettant de juger de l'efficience du programme, dont le niveau de performances doit aussi tenir compte de la dimension humaine de l'organisation. Annexe A A.1 Liste des membres du groupe Orchestra Saint-Antoine F. Amrioui, A. Ayouch Boda, H. Bideault, D. Binet, F. Boccara, D. Bollens, C. Boudraa, P. Campa, B. Charbonnier, A. Christiany, S. Christin-Maître, S. Clozel, A. Cohen, A. Daguenel, S. d'Almeida, G. Delamarre, F. Dere, F. Dumontet, F. Duval, L. Fonquernie, S. Fournier, J. Gozlan, H. Guyon G. Hiber, G. Kreplak, J.-L. Lagneau, F. Lallemand, B. Lebeau, B. Lefebvre, C. Lefin-Ringuenet, F. Le Marec, C. Lupin-Rousselle, L. Morand-Joubert, S. Miegi, Z. Ouazene, J.-M. Poirier, J.-L. Poirot, M. Rebillon, P. Roussard, B. Rousselle-Koch, P. Tangre, M. Tourneur, T. Troussier, G. Raguin, C. Tourette-Turgis, M. Volstein. A.2 Les associations de patients AIDES, APA, IKAMBERE. Références [1] N. Friis-Moller C.A. Sabin R. Weber A. d’Arminio Monforte W.M. El-Sadr P. 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