Infections rétro- et parapharyngées : vers une harmonisation des pratiques

Archives de Pédiatrie(2009)

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Abstract
Results Thirty-one patients were included, 64.5% during the last 2 years of the study period. All children presented fever and a stiff neck. The pharyngeal examination revealed a retropharyngeal bulge in a quarter of the population and an upper respiratory tract infection was concomitant in 68% of cases. A CT scan was carried out in 29 of 31 children (93.5%), with the radiological diagnosis of an abscess in 16 children (55.2%), presuppurative adenitis in 8 children (27.6%), and cellulitis in 5 children (17.2%). The CT scan was performed within 0.75 days of admission in 2001 and 2.3 days in 2005. All children were treated with intravenous antibiotic therapy: an association of amoxicillin/clavulanic acid and an aminoglycoside in most cases. The mean duration of intravenous antibiotic therapy was 5.2 days. Seventeen patients (93.5%) underwent surgical drainage and purulent material was found in 82.3% of cases. The accuracy of the CT scan, confirmed by surgical finding of a purulent material, was 71.4% in correctly identifying an abscess. The mean duration of surgical treatment after admission increased from 1.7 days in 2001 to 3.3 days in 2005. The number of patients who underwent surgery was divided by a factor of 3 in the second period of the study. Two groups were compared: group A ( n = 12) treated with antibiotic therapy and group B ( n = 17) treated with antibiotics and surgical drainage. No significant difference was found between the two groups considering the duration of parenteral and oral antibiotic therapy, the standardization of cervical mobility, the mean time for apyrexia, and the length of hospitalization. There was one recurrence in group B 1 month later, and one case of sepsis in group A. None of the patients with retropharyngeal infection died. Conclusion Without clinical evidence of severe sepsis, parenteral antibiotic therapy is recommended as the first-line treatment for children over 6 months of age presenting with retropharyngeal and parapharyngeal infections. If the clinical and/or biological conditions do not improve within 48–72 h, a CT scan is indicated to assess the extent of infection and exclude complications. The decision to initiate surgical drainage depends on the patient's clinical status and the accessibility of the abscess. Mots clés Abcès rétropharyngé Phlegmon pharyngé 1 Introduction Les abcès rétro- et parapharyngés sont des infections potentiellement sévères des espaces profonds du cou. Ils résultent de l’atteinte des chaînes ganglionnaires présentes dans ces espaces et de son évolution en 3 stades : adénite (ou cellulite), adénophlegmon, puis abcès. Leur relative fréquence en pédiatrie s’explique par l’involution naturelle de ces chaînes ganglionnaires vers l’âge de 7 ans. Dans le cadre des infections para- ou péripharyngées, on distingue habituellement les infections rétrostyliennes qui partagent avec les infections rétropharyngées la même physiopathologie et les mêmes causes bactériennes, des infections préstyliennes. Ces dernières surviennent par extension dans l’espace cellulograisseux paratonsillaire d’un processus infectieux à point de départ dentaire ou amygdalien et sont plus fréquentes chez les adolescents et adultes jeunes [1] . Elles ne seront pas discutées dans cet article. La prise en charge des infections rétro- et parapharyngées a évolué : le traitement médical est maintenant recommandé par la plupart des auteurs en première intention, réservant le scanner et le drainage chirurgical éventuel aux enfants n’ayant pas les critères d’amélioration clinique (infectieux et fonctionnels) au terme de 48 à 72 heures d’antibiothérapie intraveineuse (IV) [2–8] . Une étude rétrospective a été réalisée à l’hôpital des Enfants du CHU de Toulouse ; son but était d’analyser l’évolution de la prise en charge des infections rétro- ou parapharyngées et de proposer un algorithme décisionnel permettant d’harmoniser les pratiques au sein de notre établissement. 2 Patients et méthodes Tous les enfants âgés de 0 à 15 ans hospitalisés pour infection des parties molles rétro- ou parapharyngées entre le 1 er janvier 2001 et le 31 décembre 2005 ont été inclus. Les critères d’inclusion dans l’étude étaient cliniques et radiologiques : torticolis fébrile, masse cervicale, cervicalgies, ou voussure pharyngée en association à un épaississement significatif (supérieur à 7 mm) des parties molles prévertébrales sur la radiographie cervicale de profil ou d’une image tomodensitométrique compatible avec une infection rétro- ou parapharyngée. Les infections des autres espaces profonds ou superficiels du cou, les abcès d’origine traumatiques ou survenant dans le cadre d’un déficit immunitaire, d’une maladie chronique ou maligne ont été exclus. Les données anamnestiques (antécédents, traitement préhospitalier), cliniques, biologiques et radiologiques ont été extraites des dossiers. Toutes les radiographies cervicales ont été interprétées par un radiologue. Tous les scanners ont été revus en insu par un neuroradiologue référent en pédiatrie : une cellulite était définie par une zone hypodense ne prenant pas le contraste, un abcès par un centre ovalaire ou rond hypodense circonscrit par une coque prenant totalement le contraste et un adénophlegmon par une zone centrale hypodense avec une prise de contraste périphérique incomplète. Pour tous les patients, le traitement médical (type d’antibiotique, durée) ou chirurgical (voie d’abord, présence de pus) a été précisé. L’analyse statistique a appliqué le test exact de Fisher ou le test du Khi 2 de Pearson pour comparer les pourcentages ; les variables continues ont été comparées par le test de Student ou le test non paramétrique de Mann-Whitney. Pour les variables catégorielles à 3 classes, les moyennes ont été comparées par analyse de variance ou par le test de Kruskal-Wallis. Ces données ont été analysées à l’aide du logiciel Stata 7.0TM. 3 Résultats Trente et un patients ont été inclus dont 20 (64,5 %) au cours des 2 dernières années. La répartition était équivalente entre les 2 sexes : 16 filles (52 %) et 15 garçons (48 %). La moyenne d’âge était égale à 4,25 ± 3,2 ans (extrêmes 3 mois à 14 ans), 68 % ayant un âge inférieur ou égal à 5 ans. Le tableau I résume la répartition des symptômes et signes physiques relevés. Tous les enfants étaient fébriles à l’admission avec une durée moyenne des symptômes égale à 3,8 j. Tous présentaient un torticolis et une limitation de la mobilité cervicale était présente dans 77,4 % des cas. Lors de l’examen endobuccal, une voussure pharyngée était trouvée dans un quart des cas. Une infection ORL était souvent concomitante (68 %) : angine (29 %), rhinopharyngite (26 %), otite moyenne aiguë (13 %), mastoïdite (un cas). La valeur moyenne de la protéine-C-réactive (CRP) était égale à 107 ± 73,8 mg/l (extrêmes 14,5 à 298), le nombre moyen de leucocytes et de polynucléaires neutrophiles était égal à respectivement 22 458 ± 7565 éléments/mm 3 et 20 734 ± 9910 éléments/mm 3 . Les 21 hémocultures prélevées étaient stériles. Trois sur 4 Streptotest ® réalisés étaient positifs. 3.1 Données radiologiques Une radiographie cervicale avait été réalisée pour tous les enfants : un épaississement des parties molles était trouvé dans 28 cas (80 %) et la présence d’air dans 2 cas. Vingt-neuf enfants avaient bénéficié d’un scanner cervical. La tomodensitométrie (TDM) cervicale était en faveur d’un abcès collecté dans 16 cas (55,2 %), d’un phlegmon dans 8 cas (27,6 %) et d’une cellulite dans 5 cas (17,2 %). Le délai moyen de réalisation de la TDM par rapport à l’admission était égal à 1,6 ± 1,56 j. Égal à 0,75 j en 2001, il s’élevait à 2,3 j en 2005. De 2001 à 2003 ( n = 11), 82 % des scanners avaient été réalisés à moins de 24 h de l’admission, 2 furent réalisés après J3 : une mastoïdite compliquée secondairement d’un abcès rétropharyngé et dans l’autre cas, un diagnostic échographique initial de cellulite rétropharyngée évoluant vers un abcès. Aucun de ces enfants n’avait de complication respiratoire ou septique. En 2004 ( n = 10), 4 enfants avaient bénéficié d’une TDM après 48 h d’antibiothérapie et 6 d’emblée (dont un nourrisson âgé de 10 mois). En 2005 ( n = 10), 6 TDM avaient été réalisées après 48 h d’antibiothérapie, 2 dès l’admission (dans un cas devant la présence d’air sur le cliché cervical) et 2 enfants n’avaient pas eu de scanner. 3.2 Traitement médical Tous les enfants inclus avaient reçu un traitement antibiotique par voie IV. L’antibiothérapie de première intention avait été amoxicilline–acide clavulanique (amox–AC) à 100 mg/kg/j d’amoxicilline associée à la gentamicine dans 77,4 % des cas, et initialement au métronidazole ( n = 2). Dans 22,6 % des cas, une céphalosporine de 3 e génération (C3G) associée à un aminoside ou à du métronidazole avait été utilisée. Dans le cas de la mastoïdite, la fosfomycine avait été associée au traitement initial par C3G /aminoside. Un enfant avait été traité (après 48 h d’amox–AC) par ticarcilline-AC/ vancomycine devant la présence d’un abcès rétropharyngé inaccessible à la chirurgie. Le relais par voie orale avait été débuté après au moins 24 h d’apyrexie et en présence d’une amélioration clinicobiologique franche. Dans 28 cas (90 %), l’association amox–AC avait été choisie. La durée totale moyenne d’antibiothérapie sur les 26 cas renseignés était égale à 12,4 ± 2,8 j (extrêmes 8 à 20). Un tiers des patients (32 %) avait reçu une antibiothérapie préhospitalière. Parmi eux, 7 avaient une image d’abcès au scanner et avaient bénéficié d’un drainage chirurgical. Seuls 4 drainages avaient révélé la présence de pus. Un traitement par corticoïdes avait été débuté chez 5 enfants avant leur admission, 4 d’entre eux évoluant vers un abcès confirmé par le drainage. 3.3 Traitement chirurgical Dix-sept enfants (55 %) avaient bénéficié d’un drainage chirurgical. Le délai moyen de l’intervention chirurgicale après l’admission était de 2,35 ± 2 j. Egal à 1,7 j en 2001, ce délai était égal à 3,3 j en 2005. De 2001 à 2003 ( n = 11), 9 enfants (82 %) avaient été opérés devant la présence d’un abcès à la TDM avec présence de pus pour 8 d’entre eux. En 2004 ( n = 10) et 2005 ( n = 10), 5 (50 %) et 3 (30 %) enfants respectivement avaient été opérés. Parmi les 17 prélèvements adressés au laboratoire de bactériologie, 12 avaient permis l’obtention d’une culture positive. Dans 9 cas une seule bactérie avait été identifiée : Streptococcus viridans ( n = 5), Streptococcus pneumoniae ( n = 1), Streptococcus mitis ( n = 1), Streptococcus sanguis ( n = 1), Streptococcus species ( n = 1). Dans 3 cas la culture était polymicrobienne : S. viridans + Haemophilus parainfluenzae , S. viridans + S. pyogenes , Prevotella + Fusobacterium sp + S. viridans . 3.4 Évolution La durée moyenne d’hospitalisation était égale à 6,4 ± 2,5 j (extrêmes 3 à 13 j). Le retour à l’apyrexie avait été obtenu en 3,2 ± 2,2 j. Une complication septique avec signes de choc était survenue chez un patient âgé de 7 ans après 48 h de traitement par amox–AC/gentamycine IV. Le scanner cervical avait révélé un abcès collecté rétropharyngé droit de 2 cm de grand axe à hauteur du cavum, sous la base du crâne, venant au contact de la carotide interne sous pétreuse. En raison de sa localisation, aucun geste chirurgical n’avait pu être réalisé et l’antibiothérapie avait été modifiée par vancomycine et ticarcilline-AC. L’évolution avait été favorable. Une seule récidive a été recensée sur 5 ans. Il s’agissait d’une enfant âgée de 3 ans et demi traitée au domicile par amox–AC et prednisone pendant 5 j pour angine et douleurs cervicales. La TDM cervicale avait montré la présence d’un volumineux abcès rétropharyngé droit. Cependant, après une incision par voie transorale et plusieurs ponctions étagées le drainage était resté négatif. La prise en charge initiale avait comporté 4 j d’antibiothérapie IV par ceftriaxone (+ amikacine pendant 48 h), puis un relais oral par amox–AC pour une durée totale de 15 j. Trois semaines plus tard, devant la réapparition des symptômes, une TDM de contrôle avait révélé une cellulite rétropharyngée sans collection individualisable. L’évolution avait été favorable sous amox–AC pendant une durée de 10 j dont 4 j IV. 3.5 Comparaison de la TDM avec les résultats chirurgicaux Les patients ont été divisés en 2 groupes : les enfants traités par antibiotiques seuls (groupe A, n = 12) et ceux traités par antibiotiques associés à un drainage chirurgical (groupe B, n = 17). Dans le groupe A, 3 enfants (25 %) avaient un abcès diagnostiqué à la TDM, 4 avaient un adénophlegmon (33 %) et 5 une cellulite (42 %). Dans le groupe B, la TDM était en faveur d’un abcès dans 13 cas (76,5 %) et d’un adénophlegmon dans 4 cas (23,5 %). Trois enfants opérés avec une image d’abcès avaient un drainage négatif. Les 4 enfants opérés avec une image d’adénophlegmon avaient un drainage positif. Chez ces derniers, le délai de l’intervention par rapport à la TDM était inférieur à 24 h. La sensibilité de la TDM à détecter un abcès, confirmé par la présence de pus, était égale à 71,4 %. Parmi les enfants du groupe A ( n = 12), 3 avaient une image tomodensitométrique en faveur d’un abcès et avaient très bien évolué sous traitement médical seul. Dans 2 cas il s’agissait d’abcès diffus inaccessibles à la chirurgie (à hauteur du cavum au contact de la carotide interne) et dans 1 cas d’un abcès de petite taille détecté au 5 e j d’antibiothérapie alors que l’état clinique de l’enfant s’améliorait. Le tableau II compare l’évolution entre les 2 groupes. Il n’y avait pas de différence significative en terme de durée d’antibiothérapie, d’hospitalisation ou d’évolution clinique pour les critères évalués. 4 Discussion L’incidence des abcès rétro- ou parapharyngés est en augmentation [9–11] . Dans notre étude, 64,5 % des enfants ont été inclus au cours des 2 dernières années confortant ce constat. De 1995 à 1998, Kirse et al. [10] notaient un coefficient annuel 2 à 5 fois supérieur aux 6 années précédentes. Pour Abdel-Haq et al. [9] , l’incidence des abcès rétropharyngés, entre 1993 et 2003, avait été multipliée par 4,5 par rapport aux 12 années précédentes et 66 % des enfants avaient été inclus dans les 4 dernières années. Dans ces études [9–11] , le rôle prépondérant du streptocoque A était mis en avant, avec, comme hypothèses, une augmentation de virulence des souches et la diminution de l’usage des antibiotiques dans les infections ORL. Le torticolis était, dans notre série, un signe d’appel constant. Traduisant l’atteinte inflammatoire des muscles paravertébraux, il signe l’atteinte des espaces rétropharyngé ou rétrostylien. Sa prévalence est variable selon les auteurs et il est parfois retrouvé dans moins de 40 % des cas [4,7,12] . La discordance entre les fréquences du torticolis (100 %) et de la limitation de mobilité cervicale (77 %) pourrait s’expliquer par une perte de données inhérente au caractère rétrospectif de notre l’étude. À l’examen endobuccal, la voussure pharyngée est présente dans moins de 50 % des cas de la littérature [4,13] . Elle concerne 25 % des patients de notre étude. Sa présence n’est pas prédictive du stade de l’infection comme en attestait l’étude de Nagy et al. [14] où une voussure était objectivée chez 67 % des enfants ayant un abcès et 55 % de ceux atteints d’une cellulite. Les signes d’obstruction des voies aériennes, stridor ou dyspnée, étaient anciennement retrouvés dans plus d’un tiers des cas [3,15] . Ils sont rarement décrits dans les études récentes, du fait d’une prise en charge plus précoce [7] . Les signes non spécifiques (fièvre, altération de l’état général, anorexie) peuvent être au premier plan chez le nourrisson, rappelant l’importance de l’examen de la mobilité cervicale chez tout enfant fébrile. Le diagnostic radiologique des infections rétro- et parapharyngées peut être difficile. Il nécessite d’obtenir, chez un enfant parfois peu coopérant, un cliché cervical de profil en extension et en inspiration pour une mesure fiable de l’espace rétropharyngé [16,17] . La radiographie cervicale peut aider au diagnostic clinique parfois difficile en montrant un élargissement des parties molles prévertébrales [3,18] . Cependant, les infections parapharyngées ne sont pas décelées sur le cliché de profil. La sensibilité de cet examen varie selon les auteurs de 60 à 88 % [3,15,19,20] . La présence d’une image hydro-aérique rétropharyngée aurait une valeur prédictive positive (VPP) forte pour le diagnostic d’abcès [20] . Dans les 2 cas de notre étude où cette image a été décrite, le scanner était en faveur d’une cellulite. De l’air piégé dans le sinus piriforme (et lié à un cliché pris en expiration) pourrait en être à l’origine. La TDM est un examen très sensible pour le diagnostic d’infection rétro- ou parapharyngée [14,19,20,21] . En revanche, sa capacité à différencier un abcès d’une cellulite ou d’un adénophlegmon est variable selon les études [3,4,8,10,12,14,20–23] et dépend des critères utilisés. Sa fiabilité ne peut être étudiée qu’en comparant les images avec les résultats de la chirurgie, seule la présence de pus permettant d’affirmer le diagnostic d’abcès. Dans notre étude, la sensibilité de la TDM cervicale à détecter un abcès, défini par la prise de contraste complète de l’anneau périphérique, était égale à 71,4 % et sa VPP à 77 %. La prise de contraste complète de l’anneau est, pour la plupart des auteurs, le critère essentiel avec une sensibilité variant de 47 à 100 % [3,4,12,14,20,22] . La médiocrité de sa spécificité (0 à 57 %) semble consensuelle avec un nombre non négligeable de faux négatifs mais aussi de faux positifs (10 à 25 %) induisant des interventions chirurgicales inutiles [3,8,10,20–23] . Pour Kirse et al. [10] , l’irrégularité de la paroi de l’abcès est le meilleur signe prédictif d’abcès avec une VPP à 94 %. Il s’agit d’un signe tardif précédant la rupture de l’abcès dont la spécificité est élevée (83 %). Plusieurs hypothèses pourraient expliquer les discordances entre l’interprétation des examens tomodensitométriques et les résultats de la chirurgie : ponctions en insu en périphérie de l’abcès, mauvaise injection du produit de contraste induisant des biais d’interprétation, chirurgie décalée par rapport au scanner [10,18,20] . Certains auteurs ont prouvé la supériorité de l’échographie dans le diagnostic d’abcès [24,25] mais la nécessité d’un opérateur entraîné, la difficulté à accéder aux espaces profonds du cou et la douleur occasionnée par le passage de la sonde au contact de la masse la rendent peu utilisable en pratique. Face à ces difficultés de diagnostic et considérant l’efficacité du traitement médical de certains abcès rétro- ou parapharyngés, la très grande majorité des auteurs a proposé de réserver l’indication de la TDM aux patients n’ayant pas une réduction significative des signes fonctionnels ou généraux à l’issue de 48 à 72 h d’antibiothérapie bien conduite [2–8] . Dans ces conditions, le taux de guérison des abcès (diagnostiqués sur la TDM) est proche de 30 % et peut s’élever jusqu’à 91 % pour des abcès de très petite taille (< 1 cm 3 ). La série colligée ( n = 64) par Craig et al. [7] en 2003 comportait le plus grand nombre d’enfants atteints d’un abcès et traités par antibiothérapie seule : 10 abcès sur 27 (37 %) avaient été traités médicalement avec succès. En 2007, dans l’étude de Courtney et al. [8] , un taux similaire (36 %) était retrouvé. Pour d’autres auteurs, 50 % des abcès de diamètre inférieur à 2,5 cm et 91 % des abcès de volume inférieur à 1 cm 3 , évoluaient favorablement sans chirurgie [2,6] . Très récemment, Shefelbine et al. [26] ont proposé de réserver la chirurgie aux lymphadénites rétropharyngées suppuratives ou présuppuratives de diamètre supérieur à 2 cm. Pour ces auteurs, le traitement médical ne prolongeait pas la durée d’hospitalisation et n’augmentait pas le nombre de complication. L’interprétation des résultats doit cependant tenir compte d’éventuels faux positifs : seul le drainage chirurgical permet d’affirmer l’abcès par la présence de pus. Les récentes recommandations de la Société française d’otorhinolaryngologie (Sforl) [1] vont dans ce sens en proposant un traitement médical exclusif dans les adénites et les abcès rétropharyngés ou rétrostyliens lorsque le plus petit diamètre du foyer infectieux est inférieur à 15 mm en TDM. Un drainage chirurgical n’est envisagé qu’en l’absence d’amélioration des signes généraux et locaux après 72 heures de traitement bien conduit et après un contrôle de l’imagerie (avis d’experts). Les infections préstyliennes requièrent habituellement un traitement chirurgical en raison du risque de fasciite nécrosante [1] . Dans notre étude, 3 abcès (19 %) ont été traités par antibiothérapie isolée, dont 2 étaient des abcès étendus inaccessibles à la chirurgie. Le traitement antibiotique probabiliste repose sur l’épidémiologie microbienne de ces abcès. Dans la littérature, les données bactériologiques sont très variables, dépendant des techniques utilisées et regroupant parfois d’autres abcès du cou. En se limitant aux abcès rétro- ou parapharyngés, les cultures sont fréquemment polymicrobiennes et les bactéries les plus souvent retrouvées sont S. viridans , suivi par S. pyogenes dans 24 à 75 % des cas [3,9,19] , des bactéries anaérobies dans 5 à 100 % des prélèvements [7,12,27] , et S. aureus dans 10 à 30 % des cas [7,12] . La plupart des auteurs recommandent une antibiothérapie parentérale initiale à large spectre, débutée en milieu hospitalier, active sur les cocci Gram positifs, les anaérobies et les bactéries Gram négatives productrices de bétalactamases [18,19,25,28] . Les antibiotiques les plus fréquemment utilisés sont la clindamycine seule ou en association avec une pénicilline [7,12,19] , l’association ampicilline–sulbactam [4,10] ou amoxicilline–acide clavulanique [5] . Selon Philipott et al. [18] , 5 antibiotiques ou association d’antibiotiques peuvent être recommandés en première intention : • amoxicilline–acide clavulanique (100 mg/kg/j) ; • clindamycine (15 à 40 mg/kg/j) + céfuroxime (30 à 60 mg/kg/j) ; • ceftriaxone (50 à 100 mg/kg/j) + métronidazole (20 à 30 mg/kg/j) ; • gentamycine (3 mg/kg/j) ; • ampicilline + sulbactam (100 mg/kg/j). La Sforl recommande en première intention chez l’adulte l’association, par voie IV, d’une céphalosporine de 3 e génération (C3G) (céfotaxime ou ceftriaxone) avec le métronidazole, et comme alternative l’imipenem [1] . L’association amoxicilline–acide clavulanique est utilisable chez l’enfant dans les cas d’adénites rétropharyngées ou rétrostyliennes mais les experts soulignent sa faible pénétration au sein des abcès (tissus nécrotiques, coque). Dans notre étude, la grande majorité des enfants avaient été traités par amoxicilline–acide clavulanique associée à de la gentamycine. La clindamycine a un double intérêt : une action antitoxine dans les infections sévères à S. pyogenes , l’absence d’effet inoculum et une efficacité sur les bactéries en phase stationnaire. En France, selon une étude récente portant sur 1180 patients atteints d’une angine streptococcique, la résistance de S. pyogenes à la clindamycine était proche de 10 % [29] . Pour 76 % des souches résistantes à l’érythromycine, le mécanisme de résistance impliquait le gène erm B, bloquant la fixation de l’ensemble des macrolides, lincosamides et streptogramines B sur leur cible [29] . Ce taux de résistance de S. pyogenes et l’inactivité de la clindamycine sur les bactéries Gram négatives justifient une association avec une C2G (céfamandole ou céfuroxime) ou une C3G (céfotaxime ou ceftriaxone) dans les infections rétro- ou parapharyngées. En présence de signes toxiniques, elle doit être ajoutée à l’antibiothérapie parentérale choisie [1] . Notre étude illustre la modification de la prise en charge des infections rétro- ou parapharyngées. La réalisation de la TDM et la chirurgie sont plus tardives, le nombre d’enfants opérés a été divisé par 3 en 2005 en comparant, à effectif équivalent, à la période 2001–2003. Dans la seconde partie de l’étude, tous les enfants hospitalisés pour infection des parties molles rétro- ou parapharyngées sans signes de gravité étaient traités par antibiothérapie IV sans autre imagerie initiale exceptée une radiographie cervicale de profil. En l’absence d’amélioration clinique à l’issue de 48 à 72 h d’antibiothérapie, la réalisation d’une TDM cervicale était discutée conjointement avec l’équipe de chirurgie ORL et le neuroradiologue. Cet examen était demandé d’emblée chez les enfants de moins de 6 mois ou en présence de signes de gravité, notamment respiratoires. Cette attitude devrait permettre d’éviter à certains enfants des examens irradiants ou trop précoces. Durant la période 2001–2003 ( n = 11), tous les enfants avaient bénéficié d’une imagerie précoce et 80 % des patients avaient été opérés. En 2005 ( n = 10), les recommandations ont été suivies dans 8 cas et seuls 3 enfants ont été opérés. Selon la Sforl, la réalisation d’une TDM cervicale doit être systématique et urgente dans les « suppurations péripharyngées » [1] . Nous pensons que cette attitude se justifie chez l’adulte où le risque d’infection préstylienne et de cellulite cervicale profonde extensive est réel. Chez l’enfant, la plupart des infections restant limitée aux espaces rétropharyngés ou parapharyngés rétrostylien, nous proposons, en l’absence de signes de gravité, de réserver l’imagerie aux enfants n’ayant pas les critères d’amélioration clinique (infectieux et fonctionnels) au terme de 48 à 72 h d’antibiothérapie IV bien conduite. La (fig. 1) propose un algorithme décisionnel et thérapeutique en fonction de l’âge et de la présence de signes de gravité. Notre étude comportait plusieurs limites. Son caractère rétrospectif a induit une perte relative ou un biais d’interprétation des données (défaut d’interrogatoire, d’informations concernant le suivi des patients, comptes rendus des radiographies cervicales). Certaines TDM n’avaient pas été correctement injectés rendant la relecture difficile. Le manque de données bactériologiques n’a pas permis d’analyse épidémiologique. Il est probable que le nombre important de cultures stériles ou isolant uniquement S. viridans et la relative absence de bactérie anaérobie soient liés au caractère non systématique de leur recherche. Enfin, notre étude a porté sur un petit échantillon de patients mais, compte tenu de sa durée, le nombre de patients inclus est comparable aux séries les plus récentes [8,9,12,26] . 5 Conclusion L’évolution de la prise en charge actuelle des infections rétro- et parapharyngées permet d’éviter, à certains enfants, une TDM bien souvent inutile ou trop précoce. Nos résultats suggèrent qu’en réservant cette exploration aux seuls enfants ne s’améliorant pas à l’issue de 48 à 72 h d’antibiothérapie IV adaptée, certaines infections rétro- ou parapharyngées peuvent être traitées médicalement avec succès, réduisant ainsi le nombre d’enfants opérés. Nous proposons un algorithme décisionnel, la pertinence et les répercussions de l’utilisation de celui-ci mériteraient d’être confirmées par une étude prospective. 6 Conflits d’intérêts Aucun. Remerciements Les auteurs remercient Claire Walker pour son aide dans la traduction du résumé de cet article. Références 1 Société Française d’Oto-Rhino-Laryngologie. Recommandation pour la pratique clinique. Complications locorégionales des pharyngites. Oct 2008. Disponible sur Internet : URL : http://cireol.online.fr/doc_public/travaux/RPC_SFORL_061008.pdf . 2 R.A. Broughton Nonsurgical management of deep neck infections in children Pediatr Infect Dis J 11 1992 14 18 3 V.A. Flanary S.F. 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Abcès rétropharyngé,Phlegmon pharyngé
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